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Parmi les derniers venus, un paysan, blond, tanné, large de face et de carrure, accompagne un petit être rachitique qui s’appuie à lui d’un côté, et de l’autre sur une béquille. Le père prend des précautions attendrissantes, incline sous sa blouse neuve son dos voûté par le labour, délie ses gros doigts pour asseoir l’enfant : « Es-tu bien ? cale-toi… Attends, que je te mette ce coussin dessous… » Il parle à haute voix, sans se gêner, dérange tout le monde pour avoir des chaises, un tabouret. L’enfant intimidé, affiné par la souffrance, reste silencieux, le corps déjeté, tenant ses béquilles entre ses jambes. Enfin installés, le paysan se met à rire, les larmes aux yeux : « Hein ! nous y sommes… C’est un fameux, va !… Il te guérira bien. » Puis il promène un sourire sur toute l’assemblée, un sourire qui se heurte à la dure froideur des visages. Seule la dame en noir, accompagnée aussi d’un enfant, le regarde avec bonté ; et quoiqu’elle ait l’air un peu fier, il lui parle, lui conte son histoire, qu’il s’appelle Raizou, maraîcher à Valenton, que sa femme est presque toujours malade, et que malheureusement leurs enfants tiennent plus d’elle que de lui, si vaillant, si fort. Les trois aînés sont morts d’une maladie qu’ils avaient dans les os… Le dernier faisait mine de bien s’élever, mais depuis quelques mois, ça le tenait dans la hanche comme les autres. Alors on a