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midi, le salon était déjà plein de figures sombres, inquiètes, alignées tout autour sur les sièges, ou groupées près du guéridon, penchées sur des livres, des journaux illustrés, se détournant à peine pour regarder ceux qui entraient, chacun préoccupé de soi-même, enfermé dans son mal, absorbé par l’anxiété de ce que prononcera le devin. Sinistre, le silence de ces malades aux traits creusés de plis douloureux, aux regards atones, allumés parfois d’un feu cruel. Les femmes encore gardaient une coquetterie, quelques-unes un masque hautain sur la souffrance, tandis que, les hommes, arrachés à leur travail, à l'activité physique de la vie, semblaient plus frappés, plus à l'abandon. Parmi ces détresses égoïstes, la mère et son petit compagnon formaient un groupe touchant ; lui si frêle, si pâle, avec cette petite figure éteinte de traits et de teint, où il n’y avait qu’un œil de vivant, — elle immobile, comme figée dans une effroyable inquiétude. Un moment, s’ennuyant d’attendre, l’enfant se leva pour aller chercher des images sur le guéridon, gauche, timide, en infirme ; son bras en s’avançant heurta un malade, et il reçut un coup d’œil si hargneux, si froncé, qu’il revint à sa place les mains vides et y resta sans mouvement, la tête de côté, avec cette attitude inquiète d’oiseau branché qu’ont les jeunes aveugles.

Vraie suspension de vie que ces séances à la