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LES ROIS EN EXIL

devenant l’oncle du roi !… Mais je vous fatigue…

— Oui, j’ai envie de dormir… dit Élisée qui, depuis un moment, fermait les yeux, un moyen poli de se débarrasser de ce bon bavard vaniteux.

L’oncle parti, il ramassa ses papiers, s’installa pour écrire, mais sans pouvoir tracer une ligne, pris d’un dégoût, d’une lassitude extrêmes. Toutes ces hideuses histoires l’avaient écœuré… Devant les pages éparses sur son lit, ce plaidoyer pour la royauté où il brûlait le peu qu’il lui restait de sang, se voyant lui-même dans cette chambre sordide avec ses cheveux gris de vieil étudiant, tant de passion perdue, de forces gaspillées, il douta pour la première fois, se demanda s’il n’avait pas été dupe toute sa vie…Un défenseur, un apôtre ! à ces rois qui se dégradaient par plaisir, désertaient leur propre cause… Et tandis que ses yeux erraient tristement sur ces murs nus où le couchant ne lui arrivait que par reflet des vitres d’en face, il aperçut dans son cadre poudreux de vieille relique le cachet rouge « Fides Spes » qu’il avait pris au chevet de son père. Tout de suite la belle face bourbonienne du vieux Méraut lui apparut, telle qu’il la vit rigide au lit de mort, endormie dans sa confiance et sa fidélité sublimes, et les métiers arrêtés et droits, l’horizon des moulins croulants entre la pierre sèche de la côte et l’implacable bleu du Midi. Ce fut