Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
430
LES ROIS EN EXIL

adultère dans sa triste banalité, terminée par des excuses pour des rencontres manquées, par des missives de plus en plus froides, comme les derniers papillons à la queue d’un cerf-volant. Dans presque toutes il était question d’un assommant et persécutant personnage que Christian appelait par blague « Courtisan du malheur » ou simplement « C. du malheur » et sur lequel le duc cherchait à mettre un nom, quand, à la suite d’une de ces pages ricaneuses, toujours plus libertines que sentimentales, il vit sa propre charge, sa toute petite tête pointue sur de longues pattes d’échassier. C’était lui, ses rides, son bec d’aigle, son regard clignotant ; et au-dessous, pour ne laisser aucun doute : Courtisan du malheur montant la garde au quai d’Orsay.

La première surprise passée, l’outrage compris dans toute sa bassesse, le vieux fit « Oh ! » et resta là, terrassé, honteux.

Que son fils eût été trompé, ce n’est pas ce qui l’étonnait. Mais par ce Christian, auquel ils avaient tout sacrifié, pour qui mourait Herbert à vingt-huit ans, pour qui lui-même était en train de se ruiner, de vendre jusqu’à ses trophées de victoires afin que la signature royale ne fût pas protestée… Ah ! s’il avait pu se venger, décrocher de ses panoplies deux armes n’importe lesquelles… Mais c’était le roi ! On ne demande pas raison au roi. Et