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dans la lumière grise et froide d’un ciel parisien, les silhouettes falotes, les yeux de lucre, les lèvres allumées du père Leemans et du sieur Pichery, son acolyte, tout blême, avec ses accroche-cœur, ses moustaches raides de cosmétique.

Vraiment il fallait l’habitude du brocanteur, sa pratique du marchandage et de ces comédies qui mettent en jeu toutes les grimaces du masque humain, pour que le bonhomme ne laissât pas échapper un cri de joie, d’admiration, quand le domestique du général, aussi vieux, aussi droit que son maître, eut ouvert et fait claquer bruyamment sur les murailles du côté nord les persiennes hautes d’un étage, et que l’on vit miroiter discrètement, se nuancer dans leurs tons superbes de bois, de bronze et d’ivoire, tous les précieux trésors d’une collection qui n’était pas étiquetée et soignée comme celle de madame de Spalato, mais d’un luxe plus abondant, plus barbare et plus neuf. Et sans un déchet, sans une panne !… Le vieux Rosen n’avait pas pillé au hasard, à la façon de ces généraux qui passent dans un palais d’été comme une trombe, emportant avec la même fougue des toits à clochetons et des fétus de paille. Rien que des merveilles de choix. Et c’était curieux de voir les arrêts du brocanteur, le museau tendu sous ses poils, braquant sa loupe, grattant légèrement les