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ment ferait-il le jour du couronnement, quand ses sujets le rappelleraient ? Un roi devait savoir monter à cheval.

La petite tête ridée se tourna pour regarder la reine de son œil unique, interrogeant :

— Vous croyez, bien vrai, qu’ils voudront de moi encore, comme je suis là ?

Il avait l’air bien chétif, bien vieux. Frédérique pourtant s’indigna de ce doute, parla du roi de Westphalie, tout à fait aveugle, lui.

— Oh ! un roi pour rire… On l’a renvoyé.

Elle lui raconta alors l’histoire de Jean de Bohême à la bataille de Crécy, requérant ses chevaliers de le conduire assez avant pour qu’il pût férir un coup d’épée, et si avant l’avaient mené qu’on les retrouva tous morts le lendemain, leurs corps étendus, leurs chevaux liés ensemble.

— C’est terrible… terrible… disait Léopold.

Et il restait là, frissonnant, plongé dans ce conte héroïque comme dans une féerie de madame de Silvis, si petit, si faible, si peu roi ! À ce moment, la voiture quitta les abords du lac pour une allée étroite où il n’y avait guère que la place des roues. Quelqu’un se rangea vivement au passage, un homme que l’enfant ne put pas voir, gêné par son bandeau, mais que la reine reconnut bien, elle. Grave, l’air dur, d’un mouvement de tête elle lui montra le pauvre infirme, blotti dans ses jupes, leur