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LES ROIS EN EXIL

un botaniste de mes amis a trouvé dans les Pyrénées une fleur de Laponie. Cela tient à des courants d’atmosphère, à des filons de sol égarés à certaines places… Mais le miracle ici, c’est que ce bout de plante ait poussé précisément dans le voisinage de ses compatriotes, exilés aussi… Et voyez comme elle se porte bien… À peine un peu pâlie par l’exil, mais ses vrilles toutes prêtes pour grimper… »

Il était là, dans le jour baissant, sa clématite à la main, immobile de contemplation heureuse. Et tout à coup : « Diable ! Il se fait tard… Il faut rentrer… Adieu.

— Je viens avec vous, dit Élisée.

Boscovich resta stupéfait. Il avait assisté à la scène, savait de quelle façon le précepteur était parti, n’attribuant d’ailleurs son renvoi qu’à l’accident… Que penserait-on ? Que dirait la reine ?

— Personne ne me verra, monsieur le conseiller… Vous m’introduirez par l’avenue, et je me glisserai furtivement jusqu’à la chambre…

— Comment ! vous voulez ?…

— M’approcher de Monseigneur, l’entendre parler une minute, sans qu’il se doute que je suis là…

Le faible Boscovich s’exclamait, se défendait, mais il marchait tout de même en avant, poussé par le désir d’Élisée qui le suivait sans s’occuper de ses protestations.