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LES ROIS EN EXIL

cieuse et ordonnée, tenue dans son cérémonial ordinaire par le vieux Rosen, que l’on voit aller et venir de l’hôtel aux communs et à l’intendance, la taille droite et le chef branlant. La serre, le jardin, continuent à fleurir, les ouistitis ranimés par la chaleur emplissent leur cage de petits cris et de gambades. Le poney du prince, promené à la main par le palefrenier, fait les cent pas dans la cour assourdie d’une litière de paille, s’arrête au perron, tourne tristement ses yeux de noisette du côté où descendait jadis le petit roi. L’aspect de l’hôtel est toujours élégant et confortable ; mais on attend, on espère, il y a un suspens dans la vie ambiante, un silence pareil à ceux qui suivent un grand coup d’orage. Le plus saisissant, ce sont ces trois persiennes là-haut, hermétiquement rejointes, même quand tout s’ouvre à l’air, à la lumière, enfermant le mystère de la douleur et de la maladie.

Méraut qui, chassé de la maison royale, s’est logé tout auprès et ne cesse de rôder autour, Méraut regarde désespérément ces fenêtres fermées. C’est son tourment, sa condamnation. Il y revient chaque jour avec la peur de les trouver un matin toutes ouvertes, laissant évaporer la fumée d’un cierge éteint. Les habitués de cette partie de Saint-Mandé commencent à le connaître. La marchande de plaisirs qui lâche ses cliquettes quand passe ce grand garçon à l’air