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cupée de sentir son enfant repris par des mains de femme, ramené aux faiblesses du petit Zara, que de la blessure elle-même dont elle ne sait pas encore toute la gravité. Quand le docteur, une lampe à la main, déchire un moment les voiles accumulés de l’ombre, lève le bandeau, essaye de réveiller d’une goutte d’atropine la sensibilité de l’œil atteint, la mère se rassure de voir que le petit malade n’a pas un cri, ne porte pas ses bras en avant pour se défendre. Personne n’ose lui dire que c’est au contraire la mort de l’organe, cette insensibilité, ce silence de tous les nerfs. La balle, en ricochant, bien qu’elle eût perdu de sa force, a pu atteindre encore et décoller la rétine. L’œil droit est irrévocablement condamné. Toutes les précautions que l’on prend ne tendent qu’à préserver l’autre, menacé par cette corrélation organique qui fait de la vue un seul outil à branche double. Ah ! si la reine connaissait l’étendue de son malheur, elle qui croit fermement que grâce à ses soins, à sa tendresse vigilante, l’accident ne laissera pas de trace, et qui déjà parle à l’enfant de leur première sortie !

— Léopold, serez-vous content de faire une belle promenade dans la forêt ?

Oui, Léopold sera bien heureux. Il veut qu’on le conduise là-bas, à cette fête où il est allé une fois avec sa mère et le précepteur. Et tout à coup s’interrompant :