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LES ROIS EN EXIL

depuis une longue semaine. Comment a-t-elle vécu, sans dormir, presque sans manger, assise à ce chevet étroit, ses mains tenant celles de son fils aux intervalles des pansements, et passant de la fraîcheur de la glace à la fièvre qu’elle épie, qu’elle redoute dans ce faible pouls de malade ?

Le petit roi veut sa mère là, toujours là. Cette nuit de la grande chambre se peuple pour lui d’ombres sinistres, d’apparitions terrifiantes. Puis l’impossibilité de lire, de toucher au moindre jouet, le tient dans une torpeur dont Frédérique s’inquiète.

— Souffres-tu ?… lui demande-t-elle à chaque instant.

— Non… Je m’ennuie… répond l’enfant d’une voix molle ; et c’est pour chasser cet ennui, peupler les limbes tristes de la chambre de visions brillantes, que madame de Silvis a rouvert le fabliau fantastique plein de vieux châteaux allemands, de lutins dansant au pied du donjon où la princesse attend l’oiseau bleu et file sa quenouille de verre.

En écoutant ces interminables histoires, la reine se désole ; il lui semble qu’on dévide l’ouvrage qu’elle a fait si péniblement, qu’elle assiste à l’effritement pierre à pierre d’une droite colonne triomphale. C’est cela qu’elle regarde dans la nuit devant elle, pendant ses longues heures de réclusion, bien plus préoc-