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sous ce ciel bas qui met si bien en valeur les modes nouvelles, les visages reposés par les longues villégiatures. Tom, très élégant, d’un chic anglais, était ravi de cette course en coupé, dissimulé à côté de sa jolie comtesse, en partie fine.

Madame est prête, on va partir. Un dernier coup d’œil au miroir. Allons… Soudain la porte d’entrée s’ouvre en bas, le timbre retentit à coups pressés… « Le roi !… » Et pendant que le mari se précipite dans le cabinet de toilette avec un terrible virement d’yeux, Séphora court à la fenêtre juste à temps pour voir Christian II franchir le perron d’un air vainqueur. Il plane, il a des ailes. « Comme elle va être heureuse ! » se dit-il en montant.

La belle comprend qu’il y a du nouveau, se prépare. Pour commencer, elle jette en le voyant un cri de surprise, de joyeux émoi, tombe dans ses bras, se fait porter jusqu’à une causeuse devant laquelle il s’agenouille :

— Oui, moi… C’est moi… Et pour toujours !

Elle le regarde avec des yeux agrandis, affolés d’amour et d’espérance. Et lui, plongé, noyé dans ce regard :

— C’est fait… Il n’y a plus de roi d’Illyrie. Rien qu’un homme qui veut passer sa vie à t’aimer.

— C’est trop beau… Je n’ose pas y croire.