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Christian II n’était pas tombé malade, J. Tom Lévis le serait devenu.

Je vous laisse à penser la joie que le pitre et sa belle éprouvèrent à se retrouver, à vivre ensemble pendant quelques semaines. Tom dansait des gigues insensées, faisait l’arbre droit sur les tapis. On aurait dit un singe en belle humeur, Auriol lâché à toutes gambades dans la maison. Séphora se tordait de rire, pourtant un peu gênée à cause de l’office, où « le mari de Madame » jouissait du discrédit le plus complet. Le maître d’hôtel avait déclaré que si « le mari de Madame » mangeait à table, lui ne consentirait jamais à le servir ; et comme c’était un maître d’hôtel exceptionnel, donné, choisi par le roi, elle n’insista pas, fit monter les repas dans son boudoir par une femme de chambre. De même quand il venait une visite, — Wattelet, le prince d’Axel, — J. Tom disparaissait dans un cabinet de toilette. Jamais mari ne s’était vu à pareille fête ; mais il adorait sa femme, l’avait pour lui seul et dans un cadre qui la lui faisait paraître infiniment plus jolie. C’était en somme le plus heureux de la bande, où les retards, les atermoiements commençaient à jeter une certaine inquiétude. On sentait un nœud, un arrêt dans l’affaire si bien lancée. Le roi ne payait rien des billets échus, en faisait sans cesse de nouveaux, au grand effroi de Pichery et du père Leemans.