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je croyais tué, victime de quelque guet-apens ! Heureusement Sa Majesté en est quitte pour une triste déconvenue et pour la perte de quelques loyaux serviteurs. Il pouvait nous arriver pis.

« Les journaux — n’est-ce pas ? — ont dû vous apprendre comment les choses se sont passées. Le contre-ordre du roi ne nous étant pas parvenu par une fatalité incroyable, à sept heures du soir, nous nous trouvions sous le vent des îles, au rendez-vous. Hézeta et moi sur le pont, les autres dans la chambre, tous armés, équipés, ta jolie petite cocarde au chapeau. Nous croisons deux heures, trois heures. Rien en vue que des barques de pêche ou ces grandes felouques qui font le service de la côte. La nuit vient, et en même temps une brume de mer très gênante pour notre rencontre avec Christian II. Après une longue attente, nous finissons par nous dire que le steamer de Sa Majesté a peut-être passé près de nous sans nous voir et qu’elle est descendue à terre. Tout juste, voici que du rivage où l’on devait attendre notre signal, une fusée part, monte dans le ciel. Cela signifiait : « Débarquez ! » Plus de doute, le roi est là. Allons le rejoindre.

« Vu ma connaissance du pays, — j’ai tant de fois chassé les halbrans de ce côté, — je commandais la première chaloupe, Hezeta la seconde, M. de Miremont avait la troisième avec les Parisiens. Nous étions tous Illyriens