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regardaient passer en riant le pékin et sa jolie payse, et Christian aurait voulu leur parler, les haranguer, plongeant son regard sous les futaies jusqu’à l’extrémité du camp. Un clairon sonnait, d’autres répondaient de là-bas. Devant la tente d’un chef un peu à l’écart sur un terre-plein se cabrait le plus beau cheval arabe, narine ouverte, crinière au vent, hennissant à la sonnerie guerrière. Les yeux du Slave étincelaient. Ah ! la belle existence dans quelques jours, les bons coups d’estoc qu’il allait donner ! Mais quel dommage que Lebeau continuant vers Marseille eût emporté les bagages ; il aurait tant voulu qu’elle le vît dans son costume de lieutenant général ! Et s’exaltant, il se représentait les portes des villes forcées, les républicains en déroute, son entrée triomphale à Leybach, au milieu des rues pavoisées. Elle serait là, vive Dieu ! Il la ferait venir, l’installerait dans un palais splendide aux portes de la ville. Ils continueraient à se voir aussi librement qu’à Paris. À ces beaux projets, Séphora ne répondait pas grand’chose. Sans doute elle aurait préféré le garder à elle, tout à elle ; et Christian l’admirait pour cette abnégation silencieuse qui la mettait bien à son rang de maîtresse du roi.

Ah ! comme il l’aimait, et comme elle passa vite cette soirée à l’hôtel du Faisan, dans leur chambre rouge, les grands rideaux clairs tom-