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regardait une esplanade où, selon le cicerone, on amenait le petit roi de Rome qui, de loin, porté par sa gouvernante, tendait les bras à ses augustes parents. Cette vision de prince-enfant rappela au roi d’Illyrie son petit Zara. Il se dressa pour lui dans l’aride paysage, soutenu par Frédérique et le regardant de ses grands yeux tristes comme pour lui demander ce qu’il faisait là. Mais ce n’était qu’un vague rappel vite étouffé ; et ils continuaient leur promenade sous des chênes de toutes tailles, rendez-vous de chasse aux noms glorieux, dans le creux de vertes vallées, sur des corniches dominant des cirques en granit écroulé, des sablières dont les pins labouraient la terre rouge de leurs fortes et saillantes racines.

Maintenant ils suivaient une allée noire, à l’ombre impénétrable, aux profondes ornières humides. De chaque côté, des rangées de troncs comme des piliers de cathédrale, formant des nefs silencieuses où s’entendait le pas d’un chevreuil, la chute d’une feuille détachée en parcelle d’or. Une immense tristesse tombait de ces hauteurs, de ces branchages sans oiseaux, sonores et vides comme des maisons désertes. Christian, toujours amoureux, à mesure que la journée avançait, fonçait sa passion d’une note de mélancolie et de deuil. Il raconta qu’avant de partir il avait fait son testament, et l’émotion que lui avaient causée