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minute présente, d’une mobilité, d’une légèreté excessive, maintenant tout au départ, aux hasards de l’expédition, et plus touché qu’il ne voulait le paraître, ce qui l’arracha bien vite à l’attendrissement de la dernière minute. Il fit « adieu !… adieu ! » de la main à tout le monde avec une profonde inclinaison vers la reine et sortit.

Vraiment, si Élisée Méraut, pendant trois ans, n’avait pas vu l’intimité du ménage royal troublée par les faiblesses, les honteuses lâchetés de Christian II, il n’aurait pu reconnaître le Rigolo du Grand-Club dans le prince héroïque et fier qui lui exposait ses plans, ses projets, ses vues politiques si sensées et si larges, tandis qu’ils roulaient rapidement vers la gare de Lyon.

La foi royaliste du précepteur, toujours un peu superstitieuse, voyait là une intervention divine, un privilège de caste, le roi devant toujours se retrouver au moment fatal, par la grâce du sacre et de l’hérédité ; et, sans qu’il s’expliquât bien pourquoi, cette renaissance morale de Christian, précédant, présageant l’autre qui était proche, lui causait un malaise inexprimable, une jalousie hautaine dont il ne voulait analyser les causes. Pendant que Lebeau s’occupait de prendre les billets, d’enregistrer les bagages, ils arpentèrent de long en large la grande salle d’attente, et, dans la soli-