Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
346
LES ROIS EN EXIL

pierres et des ombres de feuillages sur les blancheurs de l’asphalte.

Que de jolies femmes glissant là-dessous, à demi dérobées par l’ombrelle, d’une grâce, d’une séduction spirituelle et de bonne humeur ! Quelles autres femmes sauront marcher comme celles-ci, se draper comme elles de leur allure, et parler, et s’habiller, et faire le contraire aussi bien ? Ah ! Paris, Paris, ville du plaisir facile, des heures courtes ! Dire que, pour être plus sûr de quitter tout cela, il allait peut-être se faire casser la tête ! Que de bons moments pourtant, de voluptés intelligentes et complètes !

Dans la ferveur de sa reconnaissance, le Slave avait une étincelle aux yeux pour toutes ces passantes qui le séduisaient d’un trait, d’un coup de jupe aux dentelles en éventail. Il y avait loin du roi-chevalier qui, le matin, entre sa femme et son fils, s’inclinait dans l’oratoire, avant de partir à la conquête de son royaume, à ce joli leveur de femmes, le nez tendu, le chapeau vainqueur sur sa petite tête frisée et ronde dont une fièvre de plaisir rosait la joue. Frédérique n’avait pas tort de maudire le ferment de Paris, de le craindre pour ce cerveau mobile, tout en mousse comme certains vins qui ne tiennent pas.

À la bifurcation du boulevard Haussmann et de l’avenue de Messine, Christian s’arrêta,