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LES ROIS EN EXIL

de brusques jets d’eau arrêtés au passage des voitures maintenant plus nombreuses pour la promenade de cinq heures vers le Bois. Alors elle commença à s’effrayer sérieusement de l’abandon du roi, expédia deux lettres, l’une chez le prince d’Axel, l’autre au cercle ; puis elle s’habilla, ne pouvant rester jusqu’au soir en petite fille qui sort du bain, et recommença sa promenade de la chambre au boudoir, à la toilette, bientôt par tout l’hôtel, essayant de tromper son attente à force d’agitation.

Ce n’était pas une petite cage à cocotte qu’elle avait achetée, la Spalato, non plus qu’une des maisons écrasantes comme les traitants milliardaires en ont encombré ces nouveaux quartiers de l’ouest parisien, mais un hôtel artiste bien digne des noms des rues environnantes, Murillo, Vélasquez, Van Dyck, et qui se distinguait en tout de ses voisins, depuis le couronnement de sa façade jusqu’au marteau de sa porte. Bâti par le comte Potnicki pour sa maîtresse, une femme laide qu’il payait tous les matins d’un billet de mille francs plié en quatre sur le marbre de la toilette, ce merveilleux logis avait été vendu deux millions pêle-mêle avec son mobilier d’art, à la mort du riche Polonais, qui ne laissa pas de testament, et Séphora avait acquis du coup tous ces trésors.

Par le lourd escalier de bois sculpté dont la rampe soutiendrait un carrosse attelé et qui