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LES ROIS EN EXIL

tout pardonner, les trahisons, les mensonges ; ce que tu aimes par-dessus toute chose, c’est la vaillance physique, c’est à elle toujours que tu jetteras le mouchoir chaud de tes larmes ou des parfums légers de ton visage… Et pendant qu’il se désole ainsi, Haïkouna, qui vient d’apercevoir dans un coin du salon ce front large de poète où se tord l’abondante chevelure rebelle et si peu mondaine, Haïkouna sourit, lui fait signe d’approcher. On dirait qu’elle a deviné la cause de sa tristesse.

— Quelle belle fête, monsieur Méraut !

Puis baissant la voix :

— Je vous la dois encore, celle-là… Mais nous vous devons tant… on ne sait plus comment vous dire merci.

C’était bien lui, en effet, dont la foi robuste avait soufflé sur toutes ces flammes éteintes, rendu l’espoir aux défaillances, préparé le soulèvement dont on allait profiter demain. La reine ne l’oubliait pas, elle ; et il n’y avait personne dans l’illustre assemblée à qui elle eût parlé avec cette bonté déférente, ce regard de gratitude et de douceur, là, devant tous, au milieu du cercle respectueux tracé autour des souverains. Mais Christian II s’approche, reprend le bras de Frédérique :

— Le marquis de Hezeta est ici, dit-il à Élisée… L’avez-vous vu ?

— Je ne le connais pas, Sire…