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jolie, plus élégante que jamais, serrée dans son étroite tunique d’ancienne dentelle faite d’une aube d’évêque grec, dont le reflet mat encadrait bien sa beauté fragile, empreinte ce soir d’un air de mystère presque grave. Cela reposait ses traits, fonçait ses yeux, du même bleu que cette petite cocarde gaminant parmi ses boucles, au-dessous d’une aigrette en diamant… Chut ! une cocarde de volontaire illyrien, un modèle adopté pour l’expédition et dessiné par la princesse…. Ah ! depuis trois mois elle n’était pas restée inactive, la chère petite. Copier des proclamations, les porter en cachette au couvent des franciscains, dessiner des costumes, des bannières, dépister la police qu’elle croyait avoir toujours sur ses talons, c’est ainsi qu’elle tenait son rôle de grande dame royaliste, inspiré de ses anciennes lectures du Sacré-Cœur. Un seul détail manquait à ce programme de briganderie vendéenne : elle ne pouvait partir, suivre son Herbert. Car maintenant c’était Herbert, rien qu’Herbert ; par un bénéfice de nature, on ne pensait pas plus à l’autre qu’à l’infortuné ouistiti si cruellement broyé sur la berge voisine. Cette joie d’endosser un costume d’homme et de chausser de grandes petites bottes était refusée à Colette pour deux raisons : l’une, son service près de la reine ; l’autre, tout intime, chuchotée la veille à l’oreille de l’aide de camp. Oui,