Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gaz flamboyant, et continuant dans les allées du jardin le rythme de la danse avec une hésitation, des arrêts causés par l’éloignement du son, faisait de la valse à la fin une marche cadencée, une promenade harmonique côtoyant les massifs embaumés de magnolias et de roses. En somme, à part la rareté, la curiosité du décor, quelques types étrangers de femmes à cheveux fauves, à souplesses molles de Slavonnes, il n’y avait là à première vue qu’une de ces kermesses mondaines comme le faubourg Saint-Germain, représenté à l’hôtel Rosen par ses noms les plus anciens, les plus pompeux, en donne quelquefois dans ses vieux jardins de la rue de l’Université, où les danses passent des parquets cirés aux pelouses, où l’habit noir peut s’égayer de pantalons clairs, fêtes de plein air et d’été plus libres, plus exubérantes que les autres.

De sa chambre au second étage, le vieux duc, tordu depuis huit jours par une crise de sciatique, écoutait les échos de son bal, étouffant sous la couverture des cris de douleur et des malédictions de caserne contre cette ironique cruauté du mal qui le clouait sur son lit un jour pareil, le mettait dans l’impossibilité de se joindre à toute cette belle jeunesse qui devait partir le lendemain. Le mot d’ordre donné, les postes de combat choisis, ce bal était un adieu, une sorte de bravade aux mau-