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LES ROIS EN EXIL

heureusement je ne sais rien de net, de précis. On ne m’écoutera pas. Et puis nos gens se méfient… toutes leurs précautions sont prises pour détourner les soupçons… Ainsi ce soir, c’est l’anniversaire de la reine… On donne une grande fête à l’hôtel de Rosen… Allez donc raconter aux autorités que tous ces danseurs-là sont en train de conspirer et de préparer des batailles !… Il y a pourtant quelque chose de pas ordinaire dans ce bal…

Alors seulement on remarque que le valet de chambre est en tenue de soirée, souliers fins, cravate blanche ; il est chargé là-bas de l’organisation des buffets, et doit s’en retourner bien vite à l’Île-Saint-Louis. Tout à coup la comtesse qui réfléchit depuis un moment :

— Ecoutez, Lebeau… si le roi part, vous le saurez, n’est-ce pas ?… On vous avertira, ne fût-ce que pour lui fermer sa malle… Eh bien ! que je sois prévenue une heure avant, je vous jure que l’expédition n’aura pas lieu.

Elle dit cela de sa voix tranquille, avec une décision lente, mais ferme. Et pendant que J. Tom Lévis rêveur se demande par quel moyen Séphora pourra empêcher le roi de partir ; que les autres associés, tout penauds, calculent ce que leur coûterait une non-réussite de l’affaire, maître Lebeau, retournant à son bal, se hâte sur la pointe de ses escarpins, à travers ce dédale de petites rues noires découpées de