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fût née à la cour de Bavière. Il n’y avait d’allemand en elle que la raideur de la taille longue et plate, l’expression hautaine du sourire et je ne sais quoi de fagoté, de discord dans la toilette, qui distingue les femmes d’outre-Rhin. Frédérique, orpheline de bonne heure, avait été élevée à Munich avec cette cousine ; et, séparées par la vie, elles s’étaient gardé l’une à l’autre une vive affection.

— Vois-tu, je n’ai pas pu attendre, disait la reine de Palerme en lui tenant les mains. Cecco ne rentrait pas… je suis venue sans lui…. Il me tardait tant !… J’ai si souvent pensé à toi, à vous… Oh ! ce canon de Raguse, de Vincennes, la nuit, je croyais l’entendre…

— Il n’était que l’écho de celui de Caserte, interrompit Christian, faisant allusion à l’héroïque attitude qu’avaie eue, quelques années auparavant, cette reine exilée et déchue comme eux.

Elle soupira :

— Ah ! oui, Caserte… on nous a laissés bien seuls, nous aussi.,. Quelle pitié ! Comme si toutes les couronnes ne devaient pas être solidaires… Mais maintenant, c’est fini. Le monde est fou…

Puis, se tournant vers Christian :

— C’est égal ! mon compliment, cousin… vous êtes tombé en roi.

— Oh ! dit-il en montrant Frédérique, le vrai roi de nous deux…