Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Pardieu, mon cher monsieur Tom, si vous me dénichiez quelque bonne dame du commerce, ayant de sérieuses économies, vieille fille ou veuve, envoyez-la moi avec son sac… Je la fais marquise. » Quand je suis sorti de là, mon éducation était complète. J’avais compris tout ce qu’il y avait à faire dans la société parisienne ; et l’agence Lévis était moralement fondée… »

Une merveille que cette histoire, narrée ou plutôt jouée par Tom Lévis. Il se levait, se rasseyait, imitait la majesté du vieux noble bientôt dégénérée en un cynisme de bohème, et sa façon de déployer son mouchoir entre ses genoux pour croiser ses jambes l’une sur l’autre, et cette reprise à trois fois sur le néant de ses vraies ressources. On eût dit une scène du Neveu de Rameau, mais un neveu de Rameau du dix-neuvième siècle, sans poudre, sans grâce, sans violon, avec quelque chose de dur, de féroce, l’âpreté de cette intonation anglaise de bull-dog, qui était entrée dans la raillerie de l’ancien voyou des faubourgs. Les autres riaient, s’amusaient beaucoup, tiraient du récit de Tom des réflexions philosophiques et cyniques.

— Voyez-vous, mes petits, disait le vieux Leemans, si les brocanteurs s’entendaient, ils seraient les maîtres du monde… On trafique de tout, dans le temps où nous vivons. Il faut que tout vienne à nous, passe par nos mains