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LES ROIS EN EXIL

n’a pas une fortune égale à son nom, vingt mille francs de rente tout au plus, et qu’il ne serait pas fâché de redorer à neuf son blason. Le fils aura cent mille francs de dot. « Oh ! monsieur le marquis, le nom suffira… » Puis nous fixons le prix de ma commission, et je me sauve, très pressé, attendu à mon cabinet d’affaires… Joli, mon cabinet ; je ne savais pas même où je coucherais le soir… Mais à la porte, le vieux me retient et sur un ton bon enfant : « Voyons, vous me faites l’effet d’un gaillard… J’ai bien envie de vous proposer… Vous devriez marier aussi ma fille… Elle n’a pas de dot. Car, à vous dire vrai, j’exagérais tout à l’heure en accusant vingt mille francs de rentes. Il s’en faut de plus de la moitié… Mais je puis disposer d’un titre de comte romain pour mon gendre… De plus, s’il est dans l’armée, mes liens de parenté avec le ministre de la guerre me permettent de lui assurer un avancement sérieux. » Quand j’ai fini de prendre mes notes : « Comptez sur moi, monsieur le marquis… », et j’allais sortir… Une main se pose à plat sur mon épaule… Je me retourne, Samson me regardait en riant, avec un si drôle d’air. « Et puis il y a moi ! » me dit-il… « Comment, monsieur le marquis ? — Ma foi, oui, je ne suis pas encore trop défait, et si j’en trouvais l’occasion… » Il finit par m’avouer qu’il est pourri de dettes, sans un sou pour payer.