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sort de Saint-Cyr et une demoiselle de dix-huit ans, très bien élevée… « Deux mille francs de loyer, le gaz, l’eau et le tapis », ajoute le concierge, pour qui tout cela compte dans la dignité de son locataire… « Tout à fait ce qu’il me faut… », pense J. Tom Lévis ; et il monte, tout de même un peu ému par le bon aspect de l’escalier, une statue à l’entrée, des fauteuils à chaque étage, un luxe de maison moderne avec lequel contraste bien fort son habit râpé, ses souliers prenant l’eau et sa très délicate commission.

« À moitié chemin, racontait le faiseur, j’eus la tentation de redescendre. Puis, ma foi ! je trouvai crâne de tenter le coup. Je me dis : Tu as de l’esprit, de l’aplomb, ta vie à gagner… honneur à l’intelligence !… Et je grimpai quatre à quatre. On m’introduisit dans un grand salon que j’eus bien vite inventorié. Deux ou trois belles antiquailles, des débris pompeux, un portrait de Largillière ; beaucoup de misère là-dessous ; le divan efflanqué, des fauteuils vides de crin, la cheminée plus froide que son marbre. Arrive le maître de maison, un vieux bonhomme majestueux, très chic, Samson dans Mademoiselle de la Seiglière. « Vous avez un fils, monsieur le marquis ? » Dès les premiers mots, Samson se lève, indigné ; je prononce le chiffre… douze millions… ça le fait rasseoir, et l’on cause… Il commence par m’avouer qu’il