Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/304

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi, et de plus certains que les vôtres… La vérité, c’est qu’en Dalmatie comme ailleurs la monarchie a fait son temps… Ils en ont assez, là !… Ils n’en veulent plus…

— Ah ! je sais bien, moi, le lâche qui n’en veut plus… dit la reine.

Puis elle sortit précipitamment, laissant Christian très étonné que la scène eût tourné si court. Il ramassa bien vite l’acte dans sa poche, prêt à s’en aller, lui aussi, quand Frédérique revint, cette fois accompagnée du petit prince.

Saisi au milieu de son sommeil, habillé en toute hâte, Zara, — qui venait de passer des mains de la femme de chambre dans celles de la reine sans qu’un mot fût prononcé, — ouvrait de grands yeux sous ses boucles fauves, mais ne questionnait pas, se souvenant confusément, dans sa petite tête encore bourdonnante, de réveils semblables pour des fuites précipitées, au milieu de figures pâlies et d’exclamations haletantes. C’est là qu’il avait pris l’habitude de s’abandonner, de se laisser conduire, pourvu que la reine l’appelât de sa voix grave et résolue, qu’il sentit l’enveloppement tendre de ses bras et son épaule toute prête à ses fatigues d’enfant. Elle lui avait dit : « Viens ! » et il venait avec confiance, étonné seulement de tout ce calme auprès d’autres nuits grondantes, couleur de sang, où mon-