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LES ROIS EN EXIL

Elle eut une flamme d’espoir dans les yeux.

— Vrai ! tu te battrais ?… Alors, écoute… Haletante, elle lui raconta en quelques paroles brèves l’expédition qu’Élisée et elle préparaient depuis trois mois, envoyant lettres sur lettres, discours, dépêches, le Père Alphée toujours en route par les villages et la montagne ; car cette fois ce n’est à pas la noblesse qu’on s’adressait, mais au bas peuple, les muletiers, les portefaix de Raguse, les maraîchers du Breno, de la Brazza les gens des îles qui viennent au marché sur des felouques, la nation primitive et traditionnelle, prête à se lever, à mourir pour le roi, mais à condition de le voir à sa tête… Les compagnies se formaient, le mot d’ordre circulait déjà, on n’attendait plus qu’un signal. Et la reine, précipitant les mots en charge vigoureuse sur la faiblesse de Christian, eut un saisissement douloureux à le voir secouer la tête, plus indifférent encore que découragé. Peut-être au fond se joignait-il à cela le dépit que tout se fût préparé sans lui. Mais il ne croyait pas le projet réalisable. On ne pourrait avancer dans le pays, il faudrait tenir les îles, mettre une belle contrée à sac avec si peu de chances de réussir ; l’aventure du duc de Palma, une effusion de sang inutile.

— Non, voyez-vous, ma chère amie, le fanatisme de votre chapelain et ce Gascon à tête brûlée vous égarent… J’ai mes rapports, moi