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LES ROIS EN EXIL

première soirée d’exil, en le voyant si gai, si excité, tandis que tous pleuraient secrètement, Frédérique avait deviné les humiliations et les hontes qu’il allait lui falloir subir… Alors, d’une haleine, sans débrider, avec des mots cinglants qui marbraient de rouge la face blême du royal noceur, la zébraient en coups de cravache, elle lui rappela toutes ses fautes, sa glissade rapide du plaisir au vice et du vice à plat dans le crime :

— Tu m’as trompée sous mes yeux, dans ma maison… l’adultère à ma table et touchant ma robe… Quand tu en as eu assez de cette poupée frisée qui ne m’a même pas caché ses larmes, tu es allé au ruisseau, à la boue des rues, y vautrant effrontément ta paresse, nous rapportant tes lendemains d’orgie, tes remords éreintés, toute la souillure de cette vase… Rappelle-toi comme je t’ai vu, trébuchant et bégayant, ce matin où tu as pour la seconde fois perdu le trône… Que n’as-tu pas fait, Sainte-Mère des anges !… Que n’as-tu pas fait !… tu as trafiqué du sceau royal, vendu des croix, des titres…

Et d’une voix plus basse, comme si elle eût craint que le silence et la nuit pussent l’entendre :

— Tu as volé aussi… tu as volé !… Ces diamants, ces pierres arrachées, c’était toi… Et j’ai laissé soupçonner et partir mon vieux Grœb…