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LES ROIS EN EXIL

frappa droit devant elle avec sa paume solide d’écuyère dans ce mufle de bête méchante ; et droite, elle attendit que le misérable eût disparu, pour s’adresser au roi.

— Que vous arrive-t-il donc, ma chère Frédérique, et qui me vaut ?…

Debout, à demi renversé dans la table qu’il essayait de lui cacher, dans une pose souple que faisait valoir sa veste de foulard brodée de rose, il souriait, les lèvres un peu pâles, mais la voix calme, la parole aisée, avec cette grâce de politesse dont il ne se départait jamais vis-à-vis de sa femme et qui mettait entre eux comme des arabesques fleuries et compliquées sur la laque dure d’un écran. D’un mot, d’un geste, elle écarta cette barrière où il s’abritait :

— Oh ! pas de phrases… pas de grimaces… Je sais ce que tu écrivais là !… n’essaye pas de me mentir…

Puis se rapprochant, dominant de sa taille fière cet abaissement craintif :

— Écoute, Christian… Et cette familiarité extraordinaire dans sa bouche donnait à ses paroles quelque chose de sérieux, de solennel… Écoute… tu m’as fait bien souffrir depuis que je suis ta femme… Je n’ai rien dit qu’une fois, la première, tu te rappelles… Après, quand j’ai vu que tu ne m’aimais plus, j’ai laissé faire. En n’ignorant rien, par exemple… pas une de tes trahisons, de tes folies. Car il faut que tu sois