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jamais désirée ni aimée, qu’enfant il trouvait trop lourde, et dont il avait senti plus tard les dures attaches, les responsabilités écrasantes ! S’en décharger, la poser dans un coin du salon où il n’entrait plus, l’oublier dehors tant qu’il pouvait, c’était chose faite ; mais la détermination à prendre, le parti excessif, l’épouvantaient. Nulle autre façon pourtant de se procurer l’argent indispensable à sa nouvelle existence, trois millions de billets signés de lui qui circulaient avec des échéances prochaines et que l’usurier, un certain Pichery, marchand de tableaux, ne voulait pas renouveler. Pouvait-il laisser tout saisir à Saint-Mandé ? Et la reine, et l’enfant royal, que deviendraient-ils ensuite ? Scène pour scène, — car il prévoyait l’épouvantable retentissement de ses lâchetés, — ne valait-il pas mieux en finir tout de suite, affronter d’un coup les colères et les récriminations ? Et puis, et puis tout cela n’était pas encore la raison déterminante.

Il avait promis à la comtesse de signer ce renoncement ; et devant cette promesse, Séphora avait consenti à laisser son mari partir seul pour Londres, accepté l’hôtel de l’avenue de Messine, ce titre et ce nom qui l’affichaient au bras de Christian, réservant d’autres complaisances pour le jour où le roi lui apporterait l’acte lui-même, signé de sa main. Elle donnait à cela des raisons de fille amoureuse :