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rayonnante. La reine de la main gauche et des escaliers dérobés est partie avant la fin avec d’Axel et Wattelet, de sorte que rien ne trouble cette sortie en pleine gloire… Maintenant on n’a plus rien à se dire, rien à voir. Les grands valets se précipitent avec leurs parapluies. Pendant une heure, ce sont des piaffements, des roulements, des bruits de portières mêlés à des ruissellements d’eau, des noms criés, répétés par ces échos de pierre qui hantent les anciens monuments et qu’on ne trouble pas souvent au vieil Institut de France.

Ce soir-là, les coquettes allégories de Boucher peintes sur les trumeaux de la chambre d’Herbert, à l’hôtel Rosen, durent réveiller leur poses alanguies et leurs couleurs de vie un peu passées, en entendant une petite voix gazouiller : « C’est moi… c’est Colette… » C’était Colette enveloppée dans un manteau de nuit aux flottantes malines et qui venait dire bonsoir à son héros, son preux, son homme de génie… À peu près à la même heure, Élisée se promenait seul dans le jardin de la rue Herbillon, sous les verdures légères, pénétrées par un ciel lavé, éclairci, un de ces ciels de juin où reste des longs jours une lumière écliptique, découpant très net les ombrages sur le tournant blafard des allées et faisant la maison blanche et morte, toutes ses