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LES ROIS EN EXIL

mage de sa joie à celui qui, là tout près d’elle, la tête accotée au mur, les yeux perdus vers la coupole, écoute ces phrases magiques en oubliant qu’elles sont de lui, assiste à ce triomphe, sans regret, sans amertume, sans se dire un seul instant que toute cette gloire lui est volée. Comme ces moines du moyen âge vieillissant à construire des cathédrales anonymes, le fils du bourgadier se contente de faire son œuvre, de la voir se dresser, solide, en plein soleil. Et pour l’abnégation, le détachement de son sourire d’illuminé, pour ce qu’elle sent en lui de pareil à elle, la reine lui tend la main avec un doux : « Merci… merci… » Rosen, plus rapproché, croit qu’on le félicite du succès de son fils. Il saisit au passage cette mimique reconnaissante, frotte contre le gant royal sa rude moustache en brosse ; et les deux victimes heureuses de la fête en sont réduites à échanger de loin dans un regard ces pensées inexprimées qui nouent les âmes de liens mystérieux et durables.

C’est fini. La séance est levée. Le noble Fitz-Roy, applaudi, complimenté, a disparu comme par une trappe ; les « lettres, sciences, arts » l’ont suivi, laissant le bureau vide. Et, par toutes les issues, la foule qui se presse commence à répandre ces rumeurs de fin d’assemblée ou de sortie de théâtre qui demain formeront l’opinion de tout Paris. Parmi ces bonnes