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temps ; et ma foi ! devant l’enthousiaste accueil fait à ces citations, le noble Fitz-Roy, qui n’est point sot, renonce à sa littérature et se contente de feuilleter le livre aux plus belles pages.

Dans l’étroit monument classique, c’est un coup d’aile enlevant, vivifiant ; il semble que les murailles s’élargissent et que par la coupole soulevée entre un souffle frais du dehors. On respire, les éventails ne battent plus rythmant l’attention indifférente. Non, toute la salle est debout, toutes les têtes levées vers la tribune de Frédérique ; on acclame, on salue la monarchie vaincue mais glorieuse, dans la femme et le fils de Christian II, le dernier roi, le dernier chevalier. Le petit Zara que le bruit, les bravos, grisent comme tous les enfants, applaudit naïvement, ses petites mains gantées écartant ses boucles blondes, tandis que la reine se rejette un peu en arrière, gagnée elle-même par cet enthousiasme communicatif, savourant la joie, l’illusion d’une minute, qu’il lui donne. Ainsi elle est parvenue à entourer d’une auréole ce simulacre de roi derrière lequel elle se cache, à enrichir d’un éclat nouveau cette couronne d’Illyrie que son fils doit porter un jour, et d’un éclat dont personne ne pourra jamais trafiquer. Alors qu’importent l’exil, les trahisons, la misère ? Il est de ces minutes éblouies qui noient toute l’ombre environnante… Soudain elle se retourne, songeant à faire hom-