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LES ROIS EN EXIL

saisi sa lorgnette, et regarde obstinément, fixement, à travers les miroirs embués, l’inscription dorée et reposante : lettres, sciences, arts, qui s’allonge et s’irise dans ses larmes, au-dessus de la tête de l’orateur.

Le noble Fitz-Roy poursuit sa lecture. C’est dans un style gris comme un habit de prison l’éloge pompeux du Mémorial, ce livre d’histoire éloquente et brutale, écrite par ce jeune prince Herbert de Rosen, « qui se sert de la plume comme de l’épée, » l’éloge surtout du héros qui l’a inspiré, « de ce chevaleresque Christian II en qui se résument la grâce, la noblesse, la force, la séduction de belle humeur qu’on est toujours certain de trouver sur les marches du trône. » (Applaudissements et petits cris d’extase). Un bon public décidément, sensible, allumé, saisissant au vol et fixant les allusions les plus fugitives… Quelquefois, au milieu de ces périodes cotonneuses, une note saisissante et vraie, une citation de ce Mémorial, dont la reine a fourni tous les documents, partout substituant le nom du roi au sien, s’anéantissant au profit de Christian II… Ô Dieu de justice, et voilà comme il la récompense !… La foule salue au passage des mots d’une bravoure insouciante et hautaine, des actes héroïques très simplement accomplis, enchâssés par l’écrivain dans une prose imagée où ils ressortent en épiques récits du vieux