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mulées dans la pénombre. Aux courses, au Bois, seule encore, la place vide des coussins occupée par un énorme bouquet, et sur les panneaux autour d’un blason mystérieux la devise niaise toute fraîche — mon droit, mon roy — dont son amant vient de la doter ainsi que d’un titre de comtesse…

Cette fois, la favorite est consacrée. L’avoir mise là, un jour pareil, à ces places d’honneur réservées aux Majestés, en lui donnant comme escorte Wattelet l’homme-lige de Christian et le prince d’Axel toujours prêt quand il s’agit de faire quelque folie compromettante, c’est la reconnaître aux yeux de tous, la marquer publiquement aux armes d’Illyrie. Et pourtant sa présence n’excite aucun sentiment indigné. Il y a toutes sortes d’immunités pour les rois ; leurs plaisirs sont sacrés comme leurs personnes, surtout dans ce monde aristocratique où la tradition s’est conservée des maîtresses de Louis XIV, ou de Louis XV, montant dans les carrosses de la reine ou la supplantant aux grandes chasses. Quelques pimbèches comme Colette de Rosen prennent des airs pudibonds, s’étonnant que l’Institut reçoive des espèces pareilles ; mais soyez sûrs que chacune de ces dames doit avoir chez elle un joli petit ouistiti en train de mourir de la poitrine. En réalité, l’impression est excellente. Les clubs disent : « Très chic.» Les journalistes : « C’est crâne !… »