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LES ROIS EN EXIL

C’est le noble Fitz-Roy ; et chacun a le droit de l’admirer, pendant qu’il met en ordre ses paperasses sur le tapis de la petite table. Mince, voûté, rachitique, les épaules étroites, le geste étriqué par des bras trop longs tout en coudes, il a cinquante ans, mais il en paraît soixante-dix. Sur ce corps usé, mal bâti, une toute petite tête aux traits déformés, d’une pâleur bouillie, entre des favoris maigres et quelques touffes de cheveux à l’oiseau. Vous rappelez-vous dans Lucrèce Borgia ce Montefeltro, qui a bu le poison du pape Alexandre et qu’on voit passer au fond de la scène, plumé, cassé, grelottant, honteux de vivre ! Le noble Fitz-Roy pourrait très bien figurer ce personnage. Non pas qu’il ait jamais rien bu, pauvre homme, pas plus le poison des Borgia qu’autre chose ; mais il est l’héritier d’une famille horriblement ancienne qui ne s’est jamais croisée dans ses descendances, le rejeton d’un plant à bout de sève et qu’il n’est plus temps de mésallier. Le vert des palmes le blèmit encore, accentue sa silhouette de chimpanzé malade. L’oncle Sauvadon le trouve divin. Un si beau nom, monsieur !… Pour les femmes, il est distingué. Un Fitz-Roy !…

C’est ce privilège du nom, cette longue généalogie où les sots et les pieds plats certes n’ont pas manqué, qui l’ont fait entrer à l’Académie, bien plus que ses études historiques, com-