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LES ROIS EN EXIL

final. Mais aujourd’hui on est pressé, on n’est pas venu pour cette petite fête littéraire. Il faut voir de quel air d’ennui méprisant l’aristocratique assemblée assiste à ce défilé d’humbles dévouements, de fidélités à toute épreuve, existences cachées, trottinantes, courbées en deux, qui passent dans cette phraséologie surannée, tatillonne, comme dans les étroits couloirs de province carrelés et sans feu où elles eurent à évoluer. Noms plébéiens, soutanes râpées, vieux sarraux bleus passés au soleil et à l’eau, coins de bourgades reculées dont on découvre une seconde le clocher pointu, les murs bas cimentés de crottin de vache, tout cela se sent honteux, mal à l’aise d’être évoqué de si loin, au milieu d’un si beau monde, sous-la lumière froide de l’Institut indiscrète comme un vitrage de photographe. La noble société s’étonne qu’il y ait tant de braves gens dans le commun… Encore !… Encore ?… Ils n’en ont donc pas fini de souffrir, de se dévouer, d’être héroïques !… Les clubs déclarent ça crevant. Colette de Rosen respire son flacon ; tous ces vieux, tous ces pauvres dont on parle, elle trouve que « ça sent la fourmi. » L’ennui perle sur les fronts, transpire aux stucs de la muraille. Le rapporteur commence à comprendre qu’il fatigue, et précipite le défilé.

Ah ! pauvre Marie Chalaye d’Ambérieux-les-Combes, toi que les gens du pays appellent la