Page:Daudet – Les Rois en exil – Éditons Lemerre.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle pense à cet infirme guidé par cette innocente et se réconforte au charme si pur qui vient d’eux.

Plus loin, voici, sous un turban d’éclatant satin, l’épaisse reine de Galice qui ressemble, les joues massives, le teint soulevé, à une orange rouge à grosse peau. Elle mène grand train, souffle, s’évente, rit et cause avec une femme encore jeune coiffée d’une mantille blanche, physionomie triste et bonne, sillonnée de ce pli des larmes qui va des yeux légèrement rougis à la bouche pâle. C’est la duchesse de Palma, excellente créature, bien peu faite pour les secousses, les terreurs que lui donne l’aventureux monarque de grand chemin auquel sa vie est liée. Il est là, lui aussi, le grand diable, et passe familièrement entre les deux femmes sa barbe noire luisante, sa tête de bellâtre bronzée par la dernière expédition, aussi coûteuse, aussi désastreuse que les précédentes. Il a joué au roi, il a eu une cour, des fêtes, des femmes, des Te Deum, des entrées jonchées de fleurs. Il a caracolé, décrété, dansé, fait parler l’encre et la poudre, versé du sang, semé de la haine. Et la bataille perdue, le sauve-qui-peut jeté par lui, il vient se refaire en France, chercher de nouvelles recrues à risquer, de nouveaux millions à fondre, gardant un costume de voyage et d’aventure, la redingote serrée à la taille, garnie de bou-