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Voyez-vous là-haut, au dessus de Sully, ces deux femmes qui viennent d’entrer, accompagnées d’un enfant, et tiennent tout le devant de la loge ? C’est la reine d’Illyrie et la reine de Palerme. Les deux cousines, le buste droit et fier, vêtues de même en faille mauve avec filets de broderies anciennes, et sur les cheveux blonds ou les nattes brunes la même caresse de longues plumes ondoyantes autour de chapeaux en diadème, forment une opposition charmante de deux types nobles parfaitement différenciés. Frédérique a pâli, la douceur de son sourire s’attriste d’un pli vieillissant ; et le visage de sa brune cousine marque aussi les inquiétudes, les détresses de l’exil. Entre elles, le petit comte de Zara secoue les boucles blondes de ses cheveux repoussés sur une petite tête chaque jour plus droite, plus vigoureuse, où le regard, la bouche, ont pris une assurance. Vraie graine de roi qui commence à fleurir.

Le vieux duc de Rosen tient le fond de la loge avec un autre personnage, non pas Christian II, — qui s’est dérobé à une ovation certaine, — mais un grand garçon à l’épaisse crinière en broussaille, un inconnu dont le nom ne sera pas une fois prononcé pendant la cérémonie et pourtant devrait être dans toutes les bouches. C’est en son honneur que cette fête est donnée, c’est lui qui a occasionné ce glorieux requiem de la monarchie, assisté par