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LES ROIS EN EXIL

figée dans un geste immobile. En face de l’hémicycle débordant, quelques gradins inoccupés, une petite table verte avec le verre d’eau traditionnel, attendent l’Académie et son bureau qui entreront tout à l’heure, par ces hautes portes surmontées d’une inscription dorée et tombale : « lettres, sciences, arts. » Tout cela est antique, froid et pauvre, et contraste avec les toilettes de primeur dont la salle est vraiment fleurie. Étoffes claires, défaillantes, des gris duvetés, des roses d’aurore, sur la coupe nouvelle un peu serrée et tendue des étincellements de jais et d’acier, et des coiffures légères en fouillis de mimosas et de dentelles, des reflets d’oiseaux des îles parmi les nœuds de velours et des pailles couleur de soleil, là-dessus le battement régulier, continuel, de larges éventails dont les odeurs fines font cligner le grand œil de l’aigle de Meaux. Ecoutez donc, ce n’est pas une raison, parce qu’on est la vieille France, pour sentir le moisi, et se mettre à faire peur.

Tout ce qu’il y a dans Paris de chic, de bien né, de bien pensant, s’est donné rendez-vous ici, se sourit, se reconnaît à de petits signes maçonniques, la fleur des clubs, la crème du Faubourg, une société qui ne se prodigue pas, ne se mêle guère, qu’on ne lorgne jamais aux premières représentations, qu’on ne voit qu’à certains jours d’Opéra ou de Conservatoire,