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en watteau des boulevards, la robe de franciscain du Père Alphée, le chapelain de la reine, frôlant le semi-uniforme chamarré du général. Rien de moins imposant en somme. Une seule chose eut de la grandeur, la prière du chapelain appelant la bénédiction divine sur ce premier repas de l’exil :

Quæ sumus sumpturi prima die in exilio… disait le moine, les mains étendues ; et ces mots lentement récités semblèrent prolonger bien loin dans l’avenir les courtes vacances du roi Christian.

Amen ! répondit d’une voix grave le souverain dépossédé, comme si, dans le latin de l’Eglise, il venait enfin de sentir les mille liens brisés, encore animés et frémissants, que traînent — comme des arbres arrachés leurs racines vivantes — les bannis de tous les temps.

Mais sur cette nature de Slave, caressante et polie, les impressions les plus fortes ne tenaient pas. À peine assis, il reprit sa gaieté, son air absent, et se mit à causer beaucoup, s’appliquant, par égard pour la Parisienne qui était là, à parler français, très purement, mais avec un léger zézaiement italien qui allait bien à son rire. Sur un ton héroïcomique, il raconta certains épisodes du siège : l’installation de la cour dans les casemates et la singulière figure qu’y faisait, avec sa toque à plume verte et son plaid, la marquise gouvernante Éléonore de