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LES ROIS EN EXIL

— Et alors ?… dit-il, en regardant sa fille sournoisement.

— Une grosse affaire, pa…

Elle tira de son sac une liasse de billets, de traites, portant la signature de Christian.

— Il faudrait escompter ça… Veux-tu ?

Rien qu’en voyant l’écriture, le vieux eut une grimace qui fronça toute sa figure, la fit disparaître presque en entier dans sa toison avec le mouvement d’un hérisson en défense.

— Du papier d’Illyrie !… Merci, je connais ça… Il faut que ton mari soit fou pour te charger d’une commission pareille… Voyons, vraiment, vous en êtes là ?

Sans s’émouvoir de cet accueil auquel elle s’attendait :

— Ecoute…, dit-elle, et de son air posé elle lui conta la chose, le grand coup, en détail, avec preuves à l’appui, le numéro du « Quernaro » où se trouvait la séance de la Diète, des lettres de Lebeau les tenant au courant de la situation… Le roi, amoureux fou, s’occupait d’installer son bonheur. Un hôtel superbe avenue de Messine, maison montée, équipages, il voulait tout cela pour la dame, prêt à signer autant de billets qu’il faudrait, au taux que l’on voudrait… Leemans ouvrait maintenant les deux oreilles, faisait des objections, demandait, furetait dans tous les coins de cette affaire si savamment manigancée.