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Séphora, par un caprice, un ressouvenir de sa jeunesse, vint à pied rue Eginhard de la rue Royale, suivant à peu près la route qui la ramenait jadis au magasin. Il n’était pas huit heures. L’air était vif, les voitures encore rares, et vers la Bastille il restait de l’aube une nuée orange où le génie doré de la colonne avait l’air de tremper ses ailes. De ce côté, par toutes les rues dépendantes, sortait un joli peuple de filles de faubourg s’en allant au travail. Si le prince d’Axel s’était levé assez tôt pour guetter la descente, il eut été content ce matin-là. Par deux, par trois, causantes, alertes, marchant très vite, elles regagnaient les fourmillants ateliers des rues Saint-Martin, Saint-Denis, Vieille-du-Temple, et, quelques rares élégantes, les magasins des boulevards, plus éloignés mais plus tard ouverts.

Ce n’était pas l’animation du soir, quand, la tâche finie, la tête pleine d’une journée de Paris, on s’en retourne au gîte, avec du train, des rires, souvent le regret d’un luxe entrevu qui fait paraître la mansarde plus haute et l’escalier plus sombre. Mais s’il restait encore du sommeil dans ces jeunes têtes, le repos les avait parées d’une sorte de fraîcheur que complétaient les cheveux soigneusement coiffés, le bout de ruban noué dans les nattes, sous le menton, et le coup de brosse donné avant le jour aux robes noires. Çà et là un bijou faux