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LES ROIS EN EXIL

Une autre fois, elle s’expliquait mieux encore. Comme il s’inquiétait de la trouver pleurante et pâlie :

— J’ai bien peur que nous ne nous voyions plus bientôt, répondit-elle.

— Et pourquoi ?

— Il m’a déclaré tout à l’heure que les affaires allaient trop mal pour les continuer en France, qu’il faudrait fermer boutique, aller s’installer ailleurs…

— Il vous emmène ?

— Oh ! je ne suis qu’une gêne à son ambition… Il m’a dit : « Viens, si tu veux… » Mais il faut que je le suive… Que deviendrais-je, toute seule ici ?

— Méchante, est-ce que je ne suis pas là ?

Elle le regarda fixement, dans les yeux.

— Oui, c’est vrai, vous m’aimez, vous… Et moi aussi je vous aime… Je pourrais être à vous, sans honte… Mais non, c’est impossible…

— Impossible ? demanda-t-il, tout haletant du paradis entrevu.

— Vous êtes trop haut pour Séphora Lévis, Monseigneur…

Et lui, avec une fatuité adorable :

— Mais je vous élèverai jusqu’à moi… Je vous ferai comtesse, duchesse. C’est un des droits qui me restent ; et nous trouverons bien quelque part dans Paris un nid d’amoureux où je vous installerai d’une façon digne de