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gination mondaine voyageait dans une cour de fantaisie. Elle songeait aux cartes de visite qu’elle se ferait faire, à tout un renouveau de toilettes, une robe aux couleurs d’Illyrie, avec des cocardes pareilles pour les têtières des chevaux… Mais le roi parlait auprès d’elle :

— C’est notre premier repas sur la terre d’exil, disait-il à Rosen d’un ton demi-sérieux, à dessein emphatique… Je veux que la table soit gaie et entourée de tous nos amis.

Et voyant l’air effaré du général devant cette brusque invitation :

— Ah ! oui, c’est vrai, l’étiquette, la tenue… Dame ! nous nous sommes déshabitués de tout cela depuis le siège, et le chef de notre maison va trouver bien des réformes à faire… Seulement je demande qu’elles ne commencent que demain.

À ce moment, entre les deux battants largement écartés de la porte, le maître d’hôtel annonça le dîner de Leurs Majestés. La princesse se dressait déjà toute glorieuse pour prendre le bras de Christian ; mais il alla l’offrir à la reine et, sans s’inquiéter des autres convives, la conduisit dans la salle à manger. Tout le cérémonial de la cour n’était pas resté, quoi qu’il en dît, au fond des casemates de Raguse.

La transition du soleil aux lumières saisit les invités en entrant. Malgré le lustre, les candé-