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LES ROIS EN EXIL

— Enfoncés les Spricht !… Dégotée la Sprichtaille !… J’ai trouvé mon coup, le grand coup.

— Bien sûr ?… Qui donc ça ?…

Le nom qu’il dit amena sur les lèvres de Séphora une jolie moue de dédain :

— Comment ! ce grand serin ?… Mais il n’a plus le sou… Nous. l’avons tondu, rasé, lui et son lion d’Illyrie… Il ne lui reste pas ça de duvet sur le dos.

— Blague pas le lion d’Illyrie, ma fille… Rien que la peau vaut deux cents millions, dit Tom, reprenant son flegme. Les yeux de la femme flambèrent. Il répéta en appuyant sur chaque syllabe :

— Deux cents millions !…

Puis froidement, nettement, il lui expliqua le coup. Il s’agissait d’amener Christian II à accepter les propositions de la Diète, et à céder ses droits à la couronne pour le beau prix qu’on lui offrait. En somme, quoi ? une signature à donner, pas davantage. Christian, seul, se serait décidé depuis longtemps. C’est l’entourage, la reine surtout, qui l’arrêtait, l’empêchait de signer cette renonciation. Il faudrait bien en venir là pourtant un jour ou l’autre. Plus le sou à la maison. On devait dans tout Saint-Mandé, au boucher, au marchand d’avoine, — car, malgré la misère des maîtres, il y avait encore des chevaux à l’écurie. Et toujours maison montée, table mise, les apparences du