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à l’état d’épave échouer le long du trottoir parisien d’où il était parti.

Ce fut encore un caprice fantasque, joint à ses instincts de pitre, de comédien, qui le fit se naturaliser Anglais en plein Paris, ce qui lui était facile avec sa connaissance des mœurs, de la langue et de la mimique anglo-saxonnes. Cela lui vint d’instinct, subitement, à sa première affaire, à son premier « grand coup » d’entremetteur.

— Qui faut-il que j’annonce ?… lui demandait insolemment un grand coquin en livrée.

Poitou se vit si râpé, si triste, dans la vaste antichambre, tremblant d’être éconduit avant qu’on eût pu l’entendre ; il éprouva le besoin de relever tout cela par quelque chose d’anormal et d’étranger.

— Aôh !… annoncez sir Tom Lévis !

Et tout de suite il se sentit d’aplomb sous ce nom improvisé à la minute, dans cette nationalité d’emprunt, s’amusa à en perfectionner les particularités, les manies, sans compter que la surveillance attentive de son accent, de sa tenue, corrigea bien vite sa verve exubérante, lui permit d’inventer des trucs tout en ayant l’air de chercher ses mots.

Chose singulière ! Des innombrables combinaisons de ce cerveau plein de trouvailles, celle-là, la moins cherchée de toutes, lui réus-