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que le ciel change, la fête avec ses mille couleurs prend un aspect féerique. C’est l’heure des parades. Tout le personnel des cirques et des baraques est dehors, sous les tendelets de l’entrée, en avant de ces toiles d’enseignes dont le gonflement semble faire vivre les animaux gigantesques, les gymnasiarques, les hercules qu’on y a peints. Voici la parade de la grande pièce militaire, un étalement de costumes Charles IX et Louis XV, arquebuses, fusils, perruques et panaches mêlés, la Marseillaise sonnant dans les cuivres de l’orchestre, tandis qu’en face les jeunes chevaux d’un cirque, au bout de rênes blanches, comme des chevaux de mariée, exécutent sur l’estrade des pas savants, calculent du sabot, saluent du poitrail, et qu’à côté, la vraie baraque de saltimbanques exhibe son paillasse en veste à carreaux, ses petits astèques étriqués dans leur maillot collant et une grande fille à tête hâlée, toute vêtue d’un rose de danseuse et qui jongle avec des boules d’or et d’argent, des bouteilles, des couteaux à lames d’étain luisant, tintant, se croisant au dessus de sa coiffure échafaudée par des épingles en verroterie.

Le petit prince se perd en des contemplations sans fin devant cette belle personne, quand une reine, une vraie reine des contes bleus, avec un diadème brillant, une tunique courte en gaze argentée, les jambes croisées