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pierres sèches d’un village breton, amenant le flux juste au pied de la dernière ruelle. Des barques pavoisées, remplies de canotiers en notes vives de bleu et de rouge, sillonnaient le lac en tous sens avec la coupure d’argent des avirons, leur blanche éclaboussure dans le pétillement d’ablettes des petites vagues. Et des bandes de canards nageaient poussant des cris, des cygnes d’allure plus large suivaient le long circuit du bord, la plume légère, gonflée de brise, tandis que tout au fond, massée dans le vert rideau d’une île, la musique envoyait à tout le bois des rythmes joyeux auxquels la surface du lac servait de tremplin. Sur tout cela un désordre gai, l’animation du vent et du flot, le claquement des banderoles, les appels des bateliers, et l’entourage sur les talus de groupes assis, d’enfants qui couraient, de deux petits cafés bruyants, bâtis presque dans l’eau, au plancher de bois sonore comme un pont, tenant à la fois dans leurs murs à claires-voies du bateau de bains et du paquebot… Peu de voitures au bord du lac. De temps en temps un fiacre à galerie, charriant le lendemain d’une noce de faubourg reconnaissable au drap neuf des redingotes, aux arabesques voyantes des châles ; ou bien des chars-à-bancs du commerce promenant leur enseigne en lettres dorées, chargés de grosses dames en chapeaux à fleurs qui regardaient d’un air de